À 18 h 30, un petit mardi tristounet de février, nous nous faufilons dans ce lieu flambant neuf, à la crémaillère fraîchement pendue. Adossé au ruisseau de feu de Charlemagne, une des rares zones sauvages préservées, ce restaurant-bistro-brasserie-taverne est coincé dans un lieu étrange, entre une quincaillerie Entrepôt, une épicerie à grande surface et un tout aussi gigantesque Douleurama.
Aussitôt arrivée, la pimpante maîtresse d’hôtel nous accueille avec un sourire chaleureux. L’endroit paraît bien petit de l’extérieur. Mais honnêtement, impressionnant de l’intérieur. Quelques tables seulement sont occupées. Mais il est encore tôt.
Swinge la bacaisse dans le fond de la boîte à bois
Au fond, un immense cellier nous montre fièrement ses quelques bouteilles offertes sur la carte des vins. Malheureusement, mon Valpolicella ne provenait pas de ce cellier, puisqu’il nous a été servi à la température de la pièce.
L’endroit est chic : tables de bois, ampoules suspendues très tendance, plafond très haut style Costco. Le design « bûcheron en ville » avec plafonds et murs en planche de pruche, inspiré de la palette de bois. De grandes poutres de 4 x 6 d’une vingtaine de pieds flottent au-dessus du bar me fascinent. L’envahissante tapisserie de bouleau blanc qui alterne avec les planches rustiques non peintes donne à l’ensemble un côté psychédélique post-grunge « pays d’en haut ».
Inspiration cabane à sucre
Les serveuses sont habillées de chemise à carreaux et pantalon d’étoffe. Par contre, ils n’ont pas été jusqu’à imposer le port de la ceinture fléchée. Votre menu vous est présenté sur un morceau de bois et l’addition sur une mignonne planchette de cèdre. La totale.
La bouffe suit de près le plan de match : poutine à l’effiloché de porc, pavé de saumon accompagné d’une pelle à farine remplie de légumes savoureux. Une bière locale de Terrebonne, la « Broken 7 », agréable et un peu flatte, accompagne bien le repas.
La jeune serveuse insistait beaucoup pour nous offrir un service impeccable. Elle est venue « nous aider » à remplir nos verres de bière et de vin à au moins une dizaine de reprises. Un peu comme si elle nous mettait chaque frite dans la bouche une à une. Vraiment irritant.
La musique envahissante
À notre arrivée la lumière est tamisée. Mais dès 19 h, elle baisse de nouveau. On doit se servir de notre téléphone multifonction pour lire le menu. Pour la musique, c’est l’inverse. Cette espèce de musique informe « techno-jazz-lounge », sans paroles, sans refrain, sans odeur, sans saveur, est relativement agaçante.
Vers 19 h 30, lorsque l’endroit est devenu relativement achalandé, les clients haussent la voix pour tenter de couvrir la musique. L’utilité marginale de la musique devient alors décroissante. J’ai remarqué cette tendance chez plusieurs autres lieux de restauration branchée.
On y va, ou pas ?
Idéalement, on y va en couple. En groupe, il est évident que vous ne pourrez pas discuter avec vos amis, avec la musique omniprésente. Ce restaurant de l’école « Martin Picard » s’inspire librement de notre histoire gastronomique, tout en respectant le mythe du gourmand urbain. Mais oubliez votre chemise de chasse, la clientèle y est relativement relevée, un peu comme l’addition.