On raconte souvent que Michel Latraverse a hérité du sobriquet de Plume au collège parce qu’il se baladait constamment avec sa plume et son carnet de notes pour y coucher ses pensées. Né en 1946 (69 ans), il a d’ailleurs complété son cours classique au Séminaire de Joliette et au collège de L’Assomption, au début des années 60.
Mais en réalité, il a été rebaptisé au milieu des années 60 pendant sa période de « Beaux Arts » quand il peignait des portraits pour quelques dollars, avec une plume sur son chapeau.
1974 : Harmonium, Beau Dommage et Plume
Comme beaucoup de québécois, je l’ai découvert en 1974 lors du lancement de son deuxième album Plume Pou Digne. Son premier album lancé en 1971 Triniterre par La Sainte Trinité (avec Doc Landry et Pierrot le fou) n’avait pas vraiment connu de succès, malgré qu’il contienne de très bonnes compositions.
Délinquant anarchiste
Plume a connu ses premières heures de gloire dans la joyeuse cohue des hippies-gauchistes-felquistes de la Maison du pêcheur de Percé à la fin des années 60. Selon la légende, il aurait passé ces étés dans ce coin de pays dès 1966.
Dans le film La maison du pêcheur d’Alain Chartrand, on y voit un chansonnier qui gratte sa guitare, fortement inspiré de notre délinquant national.
Dans une entrevue, Plume aurait dit que pendant que les felquistes Lortie, Simard et les frères Rose planifiaient leurs coups d’octobre 1970, il écrivait tranquillement ses premières chansons, loin de ces futurs « révolutionnaires ».
Mon premier coup de pied
Ouvreur à la salle communautaire de mon collège, j’ai eu la chance d’assister à plusieurs spectacles de mononcle PluPlu dès ses débuts en 1974.
J’ai vu tout de suite que sa vulgarité et sa propension à haranguer les fauteurs de trouble étaient une manœuvre, un personnage de théâtre. Mais au fond, il était un être timide et fragile. Il préférait se dissimuler derrière des trivialités pour atteindre un public fervent de contre-culture. Et sa prédisposition à faire la promotion de l’alcool faisait aussi partie du personnage. Un peu à la manière du fameux Tom Waits.
Et ça fonctionnait.
Un fan accroc
En 45 ans de carrière, j’ai dû assister à une bonne douzaine de spectacles de ce colosse au cœur tendre.
À l’été 76 sur le Mont-Royal, j’ai assisté à son spectacle haut en couleur. Quelques mois plus tard, j’ai assisté une troisième fois à son spectacle dans la grande salle des HEC. A la veille des élections de novembre 1976, les nombreuses affiches de Plume (à droite) apparaissaient à côté de ceux des candidats officiels des grands partis. Plume y apparaissait déguisé en vagabond avec un titre percutant « Votez brun, Votez Plume ».
Assis par terre dans la salle des étudiants, ce ménestrel de la dérision nous a allègrement insultés pendant plusieurs heures. Nous étions friands de ses invectives d’occasion de « Futurs exploiteurs du prolétariat, Crosseur du système ou Mangeurs de pauvres ».
Je l’ai ensuite croisé dans plusieurs petites salles (mes préférés), des festivals, des tournées avec Offenbach, Les mauvais compagnons et autres Parfaits Salauds.
Je me rappelle d’un spectacle intimiste dans un petit club du Vieux Montréal, où nous avions pu lui parler pendant plusieurs minutes bien assis avec lui sur la scène. C’était magique. Comme si nous discutions avec un copain de longue date.
Plume et Mes aïeux, avec l’Orchestre symphonique de Montréal
En juin 2013, j’ai assisté à son spectacle à La maison symphonique avec le groupe Mes aïeux.
Bien que Plume n’ait chanté que six chansons (C’est l’âge où l’on, Turlupinades, Les patineuses, Élégie, Dans la piaule de Louis et Le mal du pays), on pouvait lire l’émotion sur son visage et dans sa voix lors de cette consécration que lui offrait une centaine de musiciens symphoniques. Il se cachait derrière sa guitare sèche dont il n’a à peu près pas joué.
Une prestation remarquable, remplie d’humilité pour ce grand chansonnier.
Le sage poète, au Patriote en octobre 2015
Tout dernièrement, j’ai eu la chance d’assister dans une petite salle à un spectacle du « Grand flanc mou » presqu’acoustique rempli de chansons méconnues et de nouvelles compositions. Fini les insultes à la foule, les blasphèmes et la boisson sur scène (ou presque).
Plume s’est assagi.
Pendant qu’il grattait sa guitare, pour la première fois je me suis rendu compte que ses chansons, son timbre de voix et ses sujets ressemblaient étrangement à un autre monument de la chanson française Georges Brassens.
Des mélodies simples, accrocheuses, des paroles gaillardes, souvent caustiques sur le genre humain et ses dérives.
Réédition impossible de ses anciens disques
Seulement 4 de ses 15 disques vinyles gravés entre 1971 à 1987 ont été réédités, puisqu’il ne possède pas les droits de réédition sur la plupart de ses œuvres. Même son Opus Plume Pou Digne ou encore Le vieux Show Son Sale ne sont pas disponible en version intégrale.
Il a dû regrouper ces chansons disparues sur au moins cinq compilations intitulées « Le lour passé de P.L. » afin de regrouper ses succès passés. C’est bien triste de ne pouvoir obtenir en version intégrale ces 11 bijoux historiques oubliés.
Rebelle romantique
Comme tous les musiciens de blues, ces chansons d’amour commencent dans la tristesse et se finissent toujours mal. À la Yvon Deschamps, il aime bien choqué pour dénoncer une situation grotesque comme avec la chanson « Les pauvres » ou « Vieux nèg » ».
Au début, les chansons tendres étaient chose rare, mais en vieillissant on découvre la beauté de Les patineuses, de Chanson nette ou d’Élégie. De plus, si vous écoutez attentivement les paroles de Cahin-Caha, vous verrez qu’il a voulu dépeindre un peu sa vie, mais en parlant d’un autre.
Tout le monde en parle 2011
Pour tous ceux qui veulent en savoir un peu plus sur ce personnage énigmatique, je vous recommande une entrevue de qualité de 15 min 23 s, diffusée en novembre 2011.
Vous pouvez aussi écouter Quatre heures de Plume à la radio de Radio-Canada un document fabuleux intitulé « D’un Plume à l’autre ».
Et aussi une rare entrevue de Plume à Radio-Canada en 2015, afin de promouvoir sa nouvelle tournée de spectacle.
En septembre 2015, une murale dédiée à ce grand poète
Un cadeau à Plume de la part de l’artiste Laurent Gascon et du maire Denis Coderre, immortalisé sur une immense murale extérieure à Montréal, contenant plus de 4 000 pièces de céramique.
À lire : Plume Latraverse: la murale du grand flanc mou – La Presse – 18 septembre 2015
Contrairement a ce que tu mentionne dans ton article ici haut , si il n’a pas de réédition intégrale, c’est a cause de Plume , qui ne le souhaite pas, il a conçu les lour passé avec ce qui jugeais bon a garder et a réédité que 4 vinyles avec cencures et différences( amuste toi à les comparer cd versus vinyles , surtout En noir et blanc) .Plume a la totalité des ses droits , a tout racheter, même les droits de trinitèrre en 98, donc il a mit quelques tounes de son choix sur mised grill. Et pour le reste , bon a part Plume a L’outremont , ou un lour passé vol.6 , pour des rééditions a oublier ça , rip ton vinyle dans ton mp3 , oui c’est dommage …Pour le reste bravos belle article.
Bonjour Lefleau Rangé,
Je tiens ces informations sur la réédition de ses albums passés de la bouche même de Plume lors de ma rencontre avec lui dans les années 90 à la Butte St-Jacques, dans le Vieux-Montréal. Mais j’imagine que la situation a bien changé en 20 ans.
Je trouve difficile à croire que Plume Pou Digne n’a pas été réédité intégralement.
Récemment, je suis allé glaner dans un magasin de vinyles usagés, et un microsillon en bon état de Plume se vend autour de 100 $.
Triste constat.